Comment demander une expertise judiciaire ?

Lorsque vous êtes engagé dans un procès, que vous soyez demandeur ou défendeur, vous pouvez estimer qu’une expertise est nécessaire pour que les juges puissent prononcer le jugement. Mais, comment demander une expertise judiciaire, sachant que la décision appartient au juge ?

Demander une expertise judiciaire

Votre demande d’expertise judiciaire peut être présentée aussi bien avant, que durant le procès.

Demande d’expertise avant le procès

Vous pouvez demander une expertise judiciaire, avant même de déclencher un  procès. Cela se justifie dans certains cas.

Expert judiciaire

Prenons un exemple, dans le domaine immobilier que je connais bien. Si vous avez acheté une maison et qu’après la signature chez le notaire, vous découvrez un défaut qui vous semble être un grave vice caché, vous pourrez demander une expertise. Celle-ci aura pour objectif de déterminer :

  • quel est la gravité du défaut avec ses conséquences et à quel montant se monte le préjudice,
  • si le défaut du bien que vous constatez existait avant la vente,
  • si le défaut n’est pas apparent (c’est-à-dire si vous ne pouviez pas le connaître lors de votre achat, car il aurait fallu que vous en soyez informé).

Procédure à suivre

Vous devrez saisir le juge des référés. Il vous faudra lui démontrer que l’expertise est nécessaire pour prouver les faits dont dépendra le jugement futur au fond.

Pour l’assignation et définir la mission dévolue à l’expert, vous aurez intérêt à en charger un avocat. Il vous faudra ensuite demander à un huissier d’informer votre adversaire de votre demande et de l’audience qui sera prévue.

Le juge autorisera ou refusera l’expertise. Dans cette dernière hypothèse, vous pourrez faire appel. Mais attention, vous devrez le faire dans les 15 jours suivant la notification de l’ordonnance du juge.

Demande d’expertise judiciaire pendant le procès

Pendant le procès, vous aurez la possibilité de demander une expertise judiciaire, jusqu’à ce que l’affaire soit plaidée et mise en délibéré. Cette possibilité est ouverte aussi bien en première instance qu’en appel.

Procédure à SUIVRE                                              

Vous devrez saisir le juge en charge de l’affaire sur le fond. Le juge rendra sa décision après que chacune des parties aura donné son point de vue sur la demande d’expertise.

En cas de refus de l’expertise par le juge, vous ne pourrez faire appel de sa décision  que dans le même temps que vous ferez si nécessaire appel du jugement sur le principal.

Le processus de désignation d’un expert

Il faut savoir que le juge ne sera nullement obligé d’accepter votre demande d’expertise. Vous devrez donc le persuader qu’il n’y a pas d’éléments suffisants pour le jugement, en l’absence de l’expertise que vous demandez. Il ne suffit pas que l’expertise vous soit utile pour gagner votre procès.

Qui fait le choix de l’expert et comment ?

La nomination d’un expert judiciaire appartient au juge, qui le plus souvent choisit sur une liste par spécialité. Vous pourrez toutefois lui proposer le choix d’un expert, qu’il pourra accepter ou non.

Généralement, le juge nomme un seul expert par procès, afin de limiter les coûts. La nomination de plusieurs experts est toutefois possible lorsque cela est justifié.

Quelle possibilité de récuser l’expert ?

Il est possible de récuser un expert judiciaire si celui-ci se trouverait en situation de conflit d’intérêts.

La récusation peut être demandée par les parties au procès, soit au juge ayant nommé l’expert, soit au magistrat chargé de surveiller l’expertise.

Le juge va fixer la mission de l’expert

Le juge définira avec une grande précision la mission de l’expert, en partant de la demande rédigée par votre avocat.

Le juge fixera aussi un délai à l’expert pour réaliser sa mission. Un délai complémentaire pourra être demandé par l’expert au juge qui en décidera. L’expert pourra aussi rendre son rapport plus rapidement que le délai fixé.

Le juge vous imposera de verser une provision sur les honoraires de l’expert

L’expert est rémunéré pour le travail qu’il va fournir. Sa rémunération comprend une provision à verser avant le début de son travail. Le juge fixera donc un montant de provision que vous devrez lui verser (par exemple 2000 €uros) dans un délai limité également fixé par le juge. Le greffe du tribunal assurant le rôle d’intermédiaire.

En principe, la provision doit être versée par la partie qui demande l’expertise. Mais si plusieurs participants au procès formulent la même demande d’expertise, le versement de la provision sera partagé entre eux.

*Précisons qu’il n’est pas possible de contester le montant de la provision en faisant appel de la décision du juge.

Toutefois, si l’aide juridictionnelle vous est accordée, vous serez dispensé de verser la provision et l’expertise débutera sans aucun délai. Par ailleurs, si votre adversaire demande au juge un complément à la mission de l’expert, ce sera à lui de verser la provision complémentaire que fixera le magistrat.

Finalement, au terme du procès, les honoraires de l’expert incomberont, (sauf décision contraire du juge) à la partie qui aura perdu le procès, comme les autres dépens.

Réalisation de la mission de l’expert

Durant la réalisation de sa mission, l’expert judiciaire vous réunira avec la partie adverse et les avocats. Chacune des parties pourra faire noter ses dires dans un document qui sera annexé au rapport de l’expert. Ensuite les parties disposeront encore d’un délai pour formuler d’éventuelles observations, lorsque l’expert leur aura transmis sa note de synthèse. Après ce délai, l’expert judiciaire déposera son rapport final au tribunal. Et le jugement pourra enfin avoir lieu, à moins que vous ne trouviez un accord amiable avec votre adversaire, grâce à l’aide de vos avocats.

Pierre Lacreuse